Crédit photos : Jean-Paul Messager, correspondant à la Dépêche de Tahiti.
C’est en menant une palanquée en plongée qu’Yves Lefèvre, directeur du Raie Manta club de Rangiroa a fait une macabre découverte. A la sortie de la passe de Tiputa il a remarqué un requin citron inerte et s’en est approché. Il n’a pu que constater que l’animal était mort mais aussi que certains de ses ailerons avaient été découpés. Yves Lefèvre a décidé de remorquer le requin jusqu’à la base du club, située à Ohutu afin de faire constater à la gendarmerie, mais aussi à La Dépêche l’état du squale. Ce beau Mégaprion acutidens mâle de deux mètres trente de long a vraisemblablement été pêché à la ligne et son aileron dorsal ainsi que les deux ailerons pectoraux ont été prélevés avant qu’il soit rejeté à la mer. Un des ailerons pelviens a également été coupé bien que ceux-ci n’aient pas de valeur commerciale. Car c’est bien pour satisfaire une forme de commerce que ce requin a subi ce triste sort. En effet, depuis quelque temps circulent des affichettes proposant l’achat d’ailerons séchés ; il n’en faut pas plus pour inciter des pêcheurs peu scrupuleux, ou mal informés, à commettre de tels actes de cruauté dont les conséquences peuvent être très graves.
Pour Yves Lefèvre, ce type de pêche peut déséquilibrer en quelques mois, voire quelques semaines, la chaîne alimentaire si bien réglée par la nature. Les requins se trouvent au sommet de cette chaîne et ont un rôle de sélection des espèces qu’ils consomment pour se nourrir. Les prélèvements effectués par les requins ont des conséquences en cascade sur les autres espèces du monde sous marin et si ces prélèvements cessaient, cela entraînerait la prolifération de poissons s’attaquant au corail, ou la disparition d’autres poissons à valeur commerciale comme les thons par exemple. Yves Lefèvre pense que les anciens polynésiens avaient bien compris le problème et c’est peut-être une des raisons de leur grand respect des requins.
Malheureusement, dans l’état actuel des choses, rien n’empêche de pêcher les requins et d’en faire ce que l’on veut. Les gens qui font ce commerce ont pignon sur rue et sont parfaitement en règle. Rien ne peut donc être fait dans l’immédiat pour mettre fin à cette situation où la cupidité prime sur le respect de la nature. C’est pourquoi Yves Lefèvre, comme d’autres personnes conscientes de la gravité de la chose et des risques encourus, souhaite convaincre les autorités d’établir rapidement une loi de protection des requins avec interdiction de ce genre de pratique et sanctions appropriées pour les contrevenants. Pour cela il est en contact avec les différents ministères concernés et espère que le massacre qui a commencé (d’autres îles sont concernées !) puisse être arrêté rapidement. Bien sûr, l’idéal serait de faire prendre conscience à tous de la nécessité de préserver le fragile équilibre existant, mais tant qu’il y aura des billets à prendre sur le dos des requins…
Crédit photos : Rodolphe Holler du club de plongée "blue dolphins".
Grosse frayeur pour un groupe de plongeurs mardi après midi quand ils ont ressenti une forte explosion dans l’eau, du côté de l’Éolienne, site de plongée bien connu à Rangiroa. Ne comprenant pas ce qui se passait ils ont cependant gardé leur sang froid et, en observant l’environnement immédiat, ils ont aperçu un requin soyeux (Carcharhinus falciformis) qui « descendait dans le bleu », remuant faiblement de la nageoire caudale, ailerons pectoraux et dorsal coupés, libérant un nuage de sang.
Ce corps agonisant a attiré une meute de requins gris qui l’ont attaqué dans une ronde frénétique.
Ce requin avait vraisemblablement été pris sur une ligne avec bouée (poito) destinée à pêcher le thon. Pour s’en débarrasser, le pêcheur a probablement utilisé un lupara* afin de le neutraliser dans un premier temps, a prélevé les ailerons ensuite, avant de rejeter l’animal mutilé dans l’eau.
Pour les responsables des clubs de plongée de Rangiroa, il y a lieu, dans le cas précis, de déposer plainte auprès de la gendarmerie au minimum pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui », les plongeurs ayant été sous l’eau à la limite de la commotion à cause de l’explosion. D’autre part, cette carcasse descendant vers le fond pouvait attirer de grands prédateurs qui, rendus fous par cet apport de nourriture sanguinolente, auraient pu constituer un réel danger. Heureusement il n’en a rien été et la palanquée a pu regagner sa base sans autre dommage que le traumatisme que l’on peut supposer. Les touristes qui ont vécu ce difficile moment ont demandé avec fermeté que les autorités soient alertées immédiatement et envisagent différentes actions de réprobation pouvant aller jusqu’au boycott touristique de la Polynésie.
(*) Ce système consiste en une cartouche
située à l’extrémité d’une flèche
(d’un fusil sous-marin, bien souvent) ou d’une tige métallique,
et actionnée « à bout touchant ».
Il est fatal à l’animal qui, même s’il n’est pas
touché dans une région vitale, est au moins assommé
par l’onde de choc et devient rapidement la victime de ses
congénères. Très efficace, le lupara n’est,
hélas, pas seulement utilisé comme moyen de défense…
Le lupara fait l’objet d’autorisation d’utilisation comparable à celle du port d’arme. Selon une source autorisée, dans certains atolls des Tuamotu des pêcheurs auraient obtenu le droit d’utiliser le lupara pour se défendre de requins agressifs pouvant causer des accidents, mais détourneraient cette autorisation pour récolter des mâchoires de requins vendues aux magasins de curios de Tahiti. Le négoce d’ailerons pourrait entraîner la même dérive.