Pourquoi les DRM sont le diable

En contre-poison à la campagne du SNEP !

On parle beaucoup des DRM, mais le projet de la loi évoque, lui les mesures techniques de protection. Quelle différence y-a-t-il entre les deux ?

DRM signifie en anglais « Digital Rights Management » c'est-à-dire Gestion des Droits Numérique, c'est un sous ensemble des mesures techniques de protection qui comprennent entre autre des systèmes d'accès (décodeurs de bouquets satellite), des protections anti-copie (qui empêchent la lecture sur certains lecteurs de CD), et des techniques de traçage (marqueur invisible et inaudible qui permet d'identifier la source, la plupart des imprimantes dispose d'un tel mécanisme permettant de remonter  à la source d'un document imprimé).

Les DRM sont des logiciels qui contrôlent l'accès et l'usage d'un fichier numérique. Ainsi il est possible de restreindre la possibilité de copie mais également la possibilité d'imprimer dans le cas d'un document. Dans la plupart des cas les autorisations sont stockées sur un serveur distant qu'il faut consulter avant tout usage.

Pourquoi a-t-on inventé les DRM ?

Les DRM permettent de rendre les données captives et de mettre en place un mécanisme de taxation à l'usage, forcément cela intéresse du monde.

Quels types d'utilisation permettent les DRM ?

Il serait plus rigoureux d'écrire restriction qu'utilisation. Les DRM permettent de plus ou moins bien contrôler la diffusion et l'usage d'un document. Le but moins avoué étant de verrouiller les données et de rendre l'utilisateur dépendant d'un système et de logiciels.

Certains disent que les DRM menacent la sécurité des ordinateurs.

Ces « certains » ne sont pas anonymes, on peut en particulier citer MM. Carayon et Lasbordes, députés,... En effet, l'introduction des DRM dans les fichiers numériques audiovisuels constitue la première étape vers un monde numérique de « confiance » ou « confiance » est ici un terme d'initié qu'il ne faut surtout pas prendre au premier degré. Les DRM sont censés protéger le système de... l'utilisateur en maintenant une chaîne de sécurité et en déportant certaines décisions vers un système tiers chargé de déterminer les actions autorisées. Pour ce faire les DRM ont l'entier accès au système et pourraient être contrôlés depuis l'extérieur, ce qui pose des problèmes très sérieux de sûreté nationale.

J'ai lu dans la presse qu'un DRM de SONY BMG avait créé aux États-Unis un gigantesque problème de sécurité sur les ordinateurs. Comment cela est possible alors que les DRM sont issus de sociétés respectables ?

Techniquement ce n'était pas exactement un DRM mais un virus de type rootkit couplé à un mouchard. Cependant, cela illustre bien jusqu'où sont prêt à aller les fournisseurs de contenus au nom de la propriété intellectuelle.  Tristan Nitot de Mozilla Europe a un résumé très bien fait sur cette affolante saga.

Les DRM, s'ils posent des problèmes de sécurité, ne constituent-ils pas une menace pour la vie privée des consommateurs ?

Si, dans la mesure où ils font parti dans la sphère privée. Le fait même de contrôler la copie privée, par exemple, rend celle-ci moins... privée. Par ailleurs l'obscurantisme des DRM ne permet pas de savoir quelles informations sont communiquées lorsqu'une demande d'autorisation est effectuée vers le serveur tiers. Apple avec son logiciel iTune s'est fait prendre, il y a peu, la main dans le sac.

J'ai bien compris que les DRM posent des problèmes de sécurité et de protection de la vie privée. Pour autant, ils restreignent mes capacités de copie ? En cela, certains considèrent qu'ils portent atteinte aux libertés individuelles, dont la liberté de copier des œuvres autant que je le souhaite. Qu'en est-il exactement ?

Au delà de la possibilité de copier, il y a avant tout la possibilité de lire qui est remise en cause, en effet il est possible à distance de supprimer les autorisations et donc l'accès aux documents. Par ailleurs les supports de stockages numériques ont une durée de vie limitée (entre 2 et 5 ans). Limiter le nombre de copies revient à interdire la possibilité de constituer des archives et la migration, rendue nécessaire, d'un document sur un autre support. Lorsque un document est acquis licitement et que son utilisation privée, en particulier la copie, ne remet pas en cause l'exploitation normale de l'œuvre par son auteur c'est une exception au droit d'auteur conférée par l'article 122-5 du code de la propriété intellectuelle.

J'ai entendu dire que les DRM ne sont pas interopérables, c'est-à-dire que je ne peux pas lire un fichier protégé par le DRM Microsoft avec un baladeur Apple et inversement. Est-ce-vrai ?

Oui. Pour être intéropérables les spécifications techniques précises des DRM devraient être connues, or, si ces spécifications sont connues il devient alors simple de contourner ces DRM dont « l'efficacité » repose sur le secret et l'obscurantisme. Par ailleurs être interopérable signifierait pour Apple et Microsoft de renoncer à leurs monopoles respectifs.

Les principaux systèmes de DRM sont d'origine américaine. Le déploiement de ces systèmes ne va-t-il pas encore une fois favoriser largement les intérêt américains au détriment des intérêts nationaux ?

Oui et non. Les DRM ne sont pas forcément 100% américains. En revanche vu l'état actuel du marché il est peu probable qu'un européen puisse s'installer dans les DRM pour de la distribution de masse. En revanche les effets de bord liés à la protection juridique accordée aux DRM par le projet de loi DADVSI auront un impact sur le secteur en pleine expansion du logiciel libre en Europe.

Certains députés souhaitent limiter les mesures techniques de protection aux système de contrôle d'accès ou en exclure le cryptage des données. Quelles conséquences auraient l'adoption de ces propositions ?

Les DRM durs, c'est-à-dire une partie de ceux qui peuvent affecter la sécurité des systèmes et la vie privée seraient exclus.

De nombreuses administrations et collectivités locales utilisent des logiciels libres pour leur travaux informatiques. La protection juridique des mesures techniques de protection, et notamment des DRM, ne va-t-elle pas mettre ces logiciels dans l'illégalité ?

Tout dépend des amendements qui seront adoptés ou pas. Certains amendements instaurent l'obligation à tous les logiciels de prendre en compte les DRM, les DRM actuels sont sous des licences propriétaires incompatibles avec le logiciel libre.

En dehors des administrations et collectivités locales, des particuliers utilisent des logiciels libres permettant également la consultation d'œuvres qui peuvent être protégés par un DRM. Ces logiciels-là ne risquent-ils pas de devenir illégaux ?

Ce qui est certain en l'état du texte c'est qu'une forte insécurité juridique pèse sur les logiciels libres multi-médias. Les logiciels de lecture de DVD, par exemple, contournent la « protection » CSS de façon à pouvoir lire un DVD, en application de la loi cela serait illégal.

Certains jeunes artistes veulent utiliser Internet pour se faire connaître et ils ne veulent pas mettre en place de DRM sur leur contenu. Pourront-ils continuer à le faire ?

Dans un premier temp oui. Mais quand on voit que les derniers téléphones portables refusent des sonneries non équipées de DRM on peut craindre le pire, néanmoins tant que le logiciel libre a la possibilité d'être un contre pouvoir cela ne devrait pas arriver.

Dans le même ordre d'idée, les licences « Creative Commons » pourront-elles continuer à être utilisées si les DRM se généralisent ?

Oui.

On m'a dit que les producteurs indépendants n'auraient pas les moyens de protéger leurs contenus par des DRM. Seules les majors du disque auraient les moyens de le faire. La mise en place des DRM ne renforcerait-elle pas alors la position des majors, déjà très forte, avec des répercussions sur la diversité culturelle ?

Cela représente un investissement initial mais il y a aussi des royalties à verser sur chaque document. Par exemple, sur un morceau de musique à 1 € cela représente 1% ; soit l'équivalent du tiers de ce qui est reversé au titre du droit d'auteur !

Au bout du compte les DRM c'est le monde orwellien décrit dans le roman « 1984 » !

Oui, probablement.