Cela fait des années que l'on estime le nombre de requins tués chaque année mondialement à 100 millions.

J'ai voulu essayer d'exploiter les chiffres de la FAO, puis ceux de l'importation des ailerons de requins à Hong Kong mais sans disposer des données à la source il est impossible d'obtenir des chiffres incontestables.

Donc j'ai abandonné cette idée. En revanche je compte bien démontrer pourquoi le « prélèvement d'ailerons » ou finning est une abomination et que les requins sont globalement sur le chemin de l'extinction.

Tout d'abord il convient d'expliquer ce qu'est le finning : Les requins sont rarement pêchés avec d'autres poissons car l'urée contenue dans leur sang contamine les autres poissons dans la cale et les rend non vendables, par ailleurs même si un requin peut être entièrement exploité (pas seulement en cuisine mais également en industrie) la valeur marchande est faible sauf pour une seule chose : les ailerons avec un prix au kilo d'au moins 50 €. Le finning de plus est une opération quasi industrielle (personnes sensibles s'abstenir) et les contraintes de limitation en volume de la cale ne s'appliquent guère.

Quand ces trois critères sont réunis :

  • valeur élevée
  • industrialisation
  • stockage sans coût (ou presque)

L'épuisement de la ressource n'est pas loin.

D'ailleurs ce n'est pas moi qui le dit mais M. Poon, propriétaire de la plus grande chaîne de restaurants de soupe aux ailerons de requins de Hong Kong, dans le quotidien chinois SCMP fin août 2004 (désolé je n'ai pas de lien à disposition, il faudra me croire sur parole) :

Mr. Poon said the mainland demand was so high that the company's biggest concern was securing new sources of seafood. "Some countries that supply us with abalone and shark fins are running out of stock".

M. Poon a dit que la demande [NdT : la Chine continentale] était si élevée que la priorité de son entreprise était de sécuriser de nouvelles sources pour se fournir en poissons, crustacés et mollusques. « Certains pays qui nous fournissent des mollusques et des ailerons de requins ont déjà épuisé leur stock [NdT : j'hésite à mettre capital à la place de stock]. »

La masse moyenne des requins capturés est en diminution sur 40 ans

Cette étude scientifique récente ne s'appuie que sur des données issues des pêcheries et applique des méthodes statistiques extrêmement fiables (indice de confiance de 95%).

La masse est fortement liée à la taille et est un indicateur de maturité sexuelle or les requins atteignent leur maturité sexuelle extrêmement tardivement comparé aux autres poissons, de plus le taux de reproduction est très faible toujours comparativement aux autres poissons.

L'implication évidente de ces résultats est que de moins en moins de requins capturés sont en âge de procréer donc les populations ne peuvent que diminuer.

On ne parle pas ici de tendance mais du triste constat que l'homme a pillé les océans : la masse moyenne du requin bleu est passée de 52 kg en 1950 à 22 kg en 1990. Et il n'y a pas que le requin bleu, et il n'y pas que les requins d'ailleurs, mais la faiblesse du mécanisme de reproduction des requins les exposent en première ligne.

L'homme est-t-il suicidaire assez pour exterminer les apex prédateurs qui régulent l'écosystème de 70% de la planète ? Croit-il que détruire un animal qui représente l'aboutissement de millions de kilos de biomasse et de 400 millions d'années d'évolution n'aura pas un effet par exemple sur l'absorbtion des giga tonnes de gaz carbonique en excédent dans notre atmosphère par les océans ? Il semble que oui. Comment peut-on gaspiller 95% de la masse exploitable d'un animal pour faire une soupe alors que le problème de la faim dans le monde est loin d'être règlé ?

Pour terminer sur une note moins négative, un proverbe (qui semble-t-il serait originaire du Kenia) et un lien.

La terre ne nous a pas été léguée par nos parents, mais prêtée par nos enfants.

Vous pouvez agir aujourd'hui en faveur de la protection des requins, j'expliquerai dans un prochain billet pourquoi la Polynésie française est un enjeu majeur.